Extrait de l'ouvrage de Painton Cowen Rosaces - Ed. Imprimerie Nationale Editions - Paris 2005
"QU'EST-CE QU'UNE ROSE ?
Pour familière qu'elle soit, la rose est particulièrement difficile à définir. Les termes de rose et de rosace peuvent être utilisés pour un certain nombre de détails architecturaux dans les églises et les cathédrales, incluant les verrières rondes et les formes non vitrées qui s'en apparentent. Chez les Anglo-Saxons, le terme est couramment employé pour désigner les verrières rondes dotées d'un remplage de pierre qui rayonne par un motif symétrique à partir et autour du centre, comme les rayons d'une roue : les exemples classiques sont les roses de transept de Notre-Dame, qui datent du milieu du XIIIème siècle.
Mais cette définition n'est clairement pas suffisante, puisqu'un certain nombre de roses n'ont pas de réseau rayonnant. Notamment; des roses célèbres comme celle du transept nord de la cathédrale de Laon et celle connue sous le nom de "l'Oeil de l'évêque" dans le transept sud de la cathédrale de Lincoln, échapent à ses critères. C'est aussi le cas des immenses panneaux de verre ronds représentant une scène unique que l'on trouve surtout en Italie et en Espagne à partir du XVème et du XVIème siècle, qu'on tient pourtant pour telles. Et que dire, enfin, de la verrière géante de la cathédrale de Sienne, datée du XIIIème siècle, qui paraît faite de verrières à lancettes rapiécées pour remplir un espace circulaire ?
Cet ouvrage inclut tous ces exemples, ainsi que de nombreuses variations différentes, en supposant que toutes les baies circulairess monumentales, typiquement axiales, vitrées ou non vitrées, avec ou sans remplage, peuvent légitimement être appelées des "roses". Une autre bonne raison de les inclure est qu'une rose est presque toujours conçue aussi bien de l'extérieur que de l'intérieur. En effet, de nombreuses roses italiennes, entourées de riches sculptures, font souvent une plus forte impression vues de l'extérieur. Nous citerons également, à l'occasion, les petites rosaces sculptées dans la pierre dont la forme s'apparente à la rose mais qui sont purement décoratives et n'ont jamais eu de vitrail, et n'ont pas été conçues pour en avoir. Enfin, il sera fait mention de quelques roses particulièrement ou complètement détruites, y compris les ruines qui abritaient jadis des roses géantes, comme à Longpont, Saint-Jean-des-Vignes à Soissons et Crépy-en-Valois. Le fait que beaucoup de roses n'aient pas survécu est dû à leur fragilité intrinsèque, certaines d'entre elles utilisent le moins possible de pierre pour soutenir un maximum de verre.
Si nous pouvons dire ce qu'est ou ce que n'est pas une rose en termes de structure, il reste la question fondamentale de l'origine étymologique. Les termes anglais, français, italien et espagnol (respectivement : rose, la rose, rosone et roseton), paraissent tous dériver de rosa, le terme latin employé pour désigner la fleur, et cet usage particulier semble avoir vu le jour au XVIIème siècle. Cependant, Camille Enlart a suggéré que le mot pourrait en fait venir de l'ancien français roue ou roe. Il est avéré que le mot "roue", ou son équivalent latin rota, était en usage au milieu du XIIIème siècle, comme on peut le voir à la cathédrale de Crémone en Italie.
La rose occidentale de la cathédrale de Reims était appelée le "O" par le maître maçon Bernard de Soissons sur une plaque qui se trouvait anciennement dans la cathédrale. Dans cete écrit daté de 1323, Jean de Landun parle de "quatrième voyelle" au sujet des roses de transept de Notre-Dame de Paris :
' Je serais heureux de savoir où l'on peut trouver deux cercles comme ceux-ci, l'un faisant directement face à l'autre, comme la quatrième voyelle. A l'intérieur se trouvent de moindres cercles et d'autres encore plus petits, placés artistiquement, certains ronds, d'autres en forme de losange, contenant un vitrail étincelant de couleurs précieuses et de figures peintes avec grande délicatesse.'
Villard de Honnécourt appelait la rose de Chartres, qu'il avait croquée au début du XIIIème siècle, une fenestra (fenêtre en latin) et la rose de Lausanne une reonde verriere. Tous ces exemples indiquent une origine commune dans l'oculus, et cette ancienne forme fondamentale est essentielle pour comprendre les caractéristiques formelles et le sens du toute rose."