Extrait de l'ouvrage "Introduction au monde des symbole" - Ed. Zodiaque Juin 1980
"LE CENTRE
Nous aurons à revenir longuement sur le symbolisme du centre. Aussi nous bornerons-nous ici à quelques remarques indispensables pour bien comprendre le caractère corrélatif des symboles du cercle, du carré et de la croix.
Comme une pierre tombée au milieu d'un étang et à partir de laquelle naissent et se développent des ondes concentriques qui communiquent le mouvement originel jusqu'à l'horizon du créé, le centre est avant tout le principe. La Polaire fournit l'expresssion naturelle la plus éclatante de ce symbolisme (pl. 2). On sait que pour les Anciens, le ciel est une mer constitué par ce qu'ils appellent les eaux supérieures, et que les cosmogénèses commancent par l'élément aqueux (cf. pl 6). La Polaire manifeste le point primordial de l'océan céleste, dont le monde terrestre n'est qu'une frange extérieure et la dernière créée. Elle est le centre principiel à partir duquel tout a été fait ; le point indivis, sans forme ni dimension, image parfaite de l'unité originelle et finale en laquelle toutes les choses trouvent commencement et consommation ; car toutes les choses retournent à celui qui les a faite et qui ne peut leur assigner d'autre fin que sa propre perfection absolue (cf. fig. 157, p.367). Par irradiation, ce point principe produit tous les êtres comme le chiffre unité produit tous les nombres. Il y a en ce cas parallélisme entre symbolisme géométrique et le symbolisme arithmétique ; tous deux sont également aptes à traduire les symbolismes cosmiques de l'expansion créatrice ; celle-ci révèle un des aspects essentiels du mystère divin. Une même réalité peut avoir des symboles dans des ordres différents et souvent complémentaires du point de vue de l'observateur. Le point central est l'Être pur, c'est l'Absolu et le Transcendant. Il diffuse dans l'espace-temps qui n'est rien d'autre que le rayonnement de cet Absolu ; sans cette référence de nature, l'espace-temps ne serait que privation, néant du chao mythique. L'espace-temps est le substrat consistant de l'univers.
LE CERCLE
Le cercle est le deuxième symbole fondamental. Les astres circumpolaires en dessinent incessament la figure sacrée dans le ciel, et plus encore dans le psychisme de ceux qui l'observent (pl. 2). Autour de l'Etoile fixe, le cercle fixe de chaque étoile apparait comme la première manifestation du Point primordial. Le cercle est d'abord un point étendu ; il participe de sa perfection (pl. 6). Aussi le point et le cercle ont-ils des propriétés symboliques communes : perfection, homogénéïté, absence de distinction ou de division. S'il n'est pas besoin d'y insister, on ne répètera par contre jamais assez qu'un tel symbolisme n'est d'aucune valeur tant qu'il n'a pas fait l'objet d'une authentique expérience humaine ; ce qui n'a rien à voir avec une énumération de notion abstraites. Alors, et alors seulement, on s'émerveille de l'intensité du sacré qui émane de toute les forme circulaires que nous rencontrerons dans cette étude.
Le cercle peut encore symboliser, non plus les perfections cachées du Point primordial, mais ses effets créés ; autrement dit, le monde en tant qu'il se distingue de son Principe. Les cercles concentriques représentent les degrés d'être, les hiérarchies crées. A eux tous ils constituent la manifestation universelle de l'Être unique et Non-Manifesté. En tout ceci le cercle est considéré dans se totalité indivise.
Par contre si nous distinguons sur la circonférence un ou plusieurs points, nous sommes entrainés vers le mouvement circulaire (pl. 4 et 5; 6 et 13), celui que nous révèlent si bien les astres, qui sont les points brillants tournant en rond. Contrairement aux autres mouvements (rectiligne, sinusoïde, désordonné...) ce mouvement est parfait, immuable, sans commencement ni fin, ni variations ; ce qui l'habite à symboliser le temps. Le temps se définit comme une succession continue et invariable d'instants tous identiques les uns aux autres.
Dans l'ordre des structures cosmiques, le cercle symbolisera facilement le ciel (fig 12, p28 ; pl. coul. p.66), dont nous avons vu que le mouvement circulaire et inaltérable est la caractéristique la plus expressive. Il est significatif que le mot latin caelum désigne à la fois le ciel, le firmament et la forme circulaire. Cercle, temps et ciel communiquent par leur aspect de perfection qui les fait alors considérer respectivement comme point, éternité et transcendant, c'est-à-dire tout autre que le monde corruptible terrestre.
D'un autre point de vue le cercle peut revêtir des valences d'imperfection. Il devient la roue, voire la ligne ondoyante de la sinusoïde qui, inlassablement, monte et descend, tout en avançant. La rotation de la roue engendre les cycles, les recommencements, les renouvellements. Roue et ligne ondulée se prêtent aux symbolismes de la création continue (fig. 8). Nous sommes alors dans l'ordre du devenir, du muable, du périssable, du créé, du dépendant. Les arceaux imbriqués caractérisent les cycles du temps terrestre (pl.118). Ce n'est plus l'éternité radieuse, mais le temps rongeur et inexorable qu'il faudra trouver moyen de mettre de son côté, ou même d'exorciser, pour sortir des entrelacs terrestres. Quant au ciel, il se présente alors dans son indestructible relation avec la Terre qui en émane ; il est le modèle qui, d'une certaine façon, renferme à l'état préexistant les devenirs du monde d'ici-bas. Parce qu'il faut bien se limiter, nous parlerons à peine dans cet ouvrage de tout se qui se rattache au cercle en tant que cycle, roue, devenir. [...]"